samedi 28 janvier 2012

Gladiator

   Aujourd'hui, nous allons étudier... un peplum. Sans accent parce que c'est un mot latin. Ah, le peplum. Ses héros musclés n'arborant qu'un pagne et une généreuse couche d'huile, affrontant sans sourciller armées de méchants, dieux vengeurs, créatures immondes et cartonneuses à grands coups de glaive et de rochers en carton, dans des décors de colonnes et de statues en plâtre véritable. Ils sentaient bon le sable chaud, nos héros mythologiques joués avec une subtilité rare par des bodybuildés (pas) expressifs. C'est avec un peu de tristesse qu'on (pas moi, j'étais pas née) a vu disparaître des écrans ces films naïfs parfois, grandioses... parfois aussi, et souvent distrayants (ne serait-ce que pour les rochers et les monstres en carton). Il y a quelque temps, pourtant, quelques peplums ont timidement pointé le nez, nous laissant penser que peut-être, toutes les têtes de l'hydre n'avaient pas été tranchées. De grandes productions visant à redorer le blason du héros casqué et des combats dans le sable. C'est sur l'un d'eux que nous allons nous pencher, et ne jouez pas les surpris, vous avez lu le titre, après tout. Aujourd'hui, donc, Gladiator (et si je pouvais arrêter de taper GLaDIaTOR comme GLaDOS, je serais bien contente). Mesdames et messieurs... GLADIATOOOOOOR !


   Réalisé par Ridley Scott, qui n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il nous a donné Alien, Blade Runner, Christophe Colomb, La chute du faucon noir, Kingdom of Heaven, Robin des bois Origins pour ne citer que ceux-là, et sorti en 2000, il raconte l'histoire d'un général romain que le fils de l'empereur prend dans son colimateur, et qui après avoir tout perdu, revient en tant que gladiateur pour se venger.

   Le casting :

- Russel Crowe (Wendell White dans L.A. Confidential, John Nash dans Un homme d'exception, le capitaine Aubrey dans Master and Commander, Ben Wade dans 3h10 pour Yuma, Robin des bois dans Robin des Bois Begins, et d'autres encore) prête ses yeux de cocker et son talent à Maximus Decimus Meridius (notez les trois noms !), général des armées de Rome, c'est le plus grand, c'est le plus fort. On l'aime. 

Je m'appelle Russell, je suis doux et affectueux, et je recherche un maître qui aime comme moi le cinéma et les grands espaces. Pour m'adopter, veuillez appeler le chenil au numéro qui s'affiche en bas de votre écran.

- Joaquin Phoenix (8mm, Merrill-le-frère-du-héros dans Signes, Lucius dans Le Village, Bobby Green dans La nuit nous appartient) est Imperator Caesar Lucius Aelius Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus (inspirez) (merci wikipedia de m'aider à remplir ma chronique), l'empereur qui prend la place de son père et en profite pour se défouler sur le pauvre Maximus qui ne lui a même rien fait. Il est trop vil.

- Connie Nielsen (qui a fait ses débuts dans Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir (ha ha) et qui a joué dans L'associé du diable, Mission to Mars et Photo Obsession) est Lucilla, alias Annia Aurelia Galeria Lucilla, fille de l'empereur et soeur de Commode. Selon les propres mots de son père, c'est un césar au féminin (dans le sens "les 12 Césars", pas la statuette moche, hein), et elle ne laisse personne, pas même son frère, lui marcher sur les pieds.

- Oliver Reed (l'inoubliable oncle Frank dans Tommy, et il était également dans Les Diables, Les trois mousquetaires (1973), Les Dix petits Nègres, Lisztomania, Les aventures du Baron de Munchausen, et plein, plein d'autres) est Proximo, dont le but est de faire d'une bande d'esclaves des gladiateurs pour la satisfaction du peuple de Rome. Comme tous les mentors, il est bourru, ancien et sage. Et un peu avare sur les bords, mais personne n'est parfait.

- Richard Harris (qui a joué dans une floppée de trucs comme Les canons de Navarone, Les révoltés du Bounty, English Bob dans Impitoyable, et qui a été Albus Dumbledore dans Harry Potter I et II) est le bon empereur Caesar Marcus Aurelius Antoninus Augustus, aka Marc-Aurèle. Outre être bon et sage, il fait la guerre aux troupes barbares dans un coin reculé de la Gaule et voudrait bien revoir sa Normandie Rome un de ces jours.

Bonjour, je suis le bon empereur Marc-Aurèle, et je suis vieux et sage.

- Derek Jacobi (vu en Cassio dans Othello, en Claudius dans Hamlet, en Corvinus dans Underworld 2, dans A la croisée des mondes, en archevêque Lang dans Le discours d'un roi, et dans le Sang des Templiers) est le sénateur Gracchus. Il n'est pas très content de se retrouver avec Commode comme empereur, mais bon, c'est l'empereur, hein. Alors il complote en secret. Et le complot, c'est trop mal.

- Djimon Honsou (vu dans Blood Diamond, The Island, Eragon, Tomb Raider II, Amistad, et dans Constantine où il est Midnite) et Ralf Moeller (apparu dans le Roi Scorpion, Pathfinder (que j'ai à voir), Universal Soldier et qui a été Conan le barbare dans la série du même nom) sont Juba et Hagen, deux compagnons d'infortune de Maximus, avec lequel ils vont sympathiser et faire de leur mieux pour rester en vie.

- Tommy Flanagan (qui est mon chouchou) (Morrison dans Braveheart, Scarface dans Le Saint, Brian l'Irlandais fou dans Sin City, Mark dans Alien vs. Predator, et membre du casting de Sons of Anarchy) est Ciceron, le serviteur fidèle de Maximus. Et puis, bah, c'est tout.

 Tommy Flanagan, alias Cicéron  (c'est pas carré... mouaf mouaf mouaf). Et malgré ce que je pensais à l'époque, les cicatrices sont 100% autenthiques.

   Le résumé :

   Dans un coin pourri de la Germanie ou ce qui en faisait office à l'époque, les légions de Rome combattent depuis des années contre les hordes barbares. Et ça tombe bien, le film commence justement sur la dernière bataille de la guerre. Les Romains font face à des hommes barbus et vêtus de peaux de bête (à voir leur air, ça pourrait tout aussi bien être des carcasses, mais bon). S'ensuit la bataille proprement dite, avec des catapultes lançant des boulets enflammés et plein d'héroïsme de la part de Maximus pour nous faire comprendre qu'il est non seulement grand, mais aussi fort.

 Visiblement, la mode de la fourrure battait son plein à Rome.

   Sur ces entrefaits, et alors que le bon empereur Marc-Aurèle félicite son général, arrivent Commode et Lucilla. On nous fait subtilement comprendre que Commode n'est pas un empereur comme il faut, lui, et il manipule un brin. D'ailleurs le bon empereur Marc-Aurèle voudrait bien que ce soit Maximus qui prenne la direction de Rome. Maximus, lui, préférerait rentrer dans sa ferme retrouver sa famille. Le bon empereur Marc-Aurèle insiste. Bien mal lui en prend, car Commode, quand il apprend la nouvelle, le fait passer de vie à trépas, et il devient feu le bon empereur Marc-Aurèle en moins de temps qu'il ne m'en faut pour taper ces insanités.

   Rusé comme pas deux, Commode fait accuser Maximus parce qu'il a refusé d'être son allié. Logiquement, il est immédiatement emmené pour être exécuté. Mais comme il est trop fort, il réussit à s'enfuir. Et à traverser toute la Gaule avec un poney pour retourner chez lui alors qu'il est blessé. Mal lui en prend, sa maison est détruite et sa famille est morte. Et comme il n'a vraiment pas de chance, voilà qu'il est capturé (et soigné) par des marchands d'esclaves qui vont le vendre en Afrique.

   Intermède politique : Commode rentre à Rome victorieux, commence le job d'empereur, trouve ça trop ennuyeux, et décide d'organiser des jeux en l'honneur de son bon empereur de père. Ce détail aura son importance.

   Dans un coin non moins perdu de l'Afrique, Proximo refait son stock de gladiateurs en achetant des esclaves, avec une science du marchandage qui en remontrerait à Picsou. Dans le lot, il y a (vous l'aurez deviné) Maximus et Juba. Très vite, les esclaves sont un brin dégrossis et jetés dans l'arène pour montrer ce qu'ils doivent faire. Tout de suite, Maximus, qui est trop fort et qui sait se battre, se taille une bonne réputation et un bon exutoire. Proximo commence à l'avoir à la bonne, et il lui donne des conseils, comme un bon mentor. Mais le plus important, c'est de retourner à Rome, c'est la consécration. Et les jeux organisés par Commode pourraient être une bonne idée de revenir au centre du monde (parce qu'à l'époque, Rome est le centre du monde et des cartes routières, c'est comme ça). Maximus est d'accord, parce qu'il se retrouverait face à Commode.

 Je suis le sergent d'armement Hartmann, et votre chef instructeur ! Comment, "mauvais film" ?

   Intermède politique : à Rome, le Sénat, mené par Gracchus, n'aime pas Commode, et Commode n'aime pas le Sénat. Lucilla fait de son mieux pour aider tout le monde à travailler ensemble.

   Et voilà qu'enfin, Proximo et ses gladiateurs se retrouvent à Rome, pour combattre devant l'empereur, lors d'une reconstitution de la bataille de Carthage. S'ensuit une belle et longue scène d'action qui voit Maximus diriger les autres et briller sur le sable de l'arène (parce qu'il est trop fort). Commode lui-même est fan, et il descend dans l'arène pour lui faire l'honneur de lui parler. Il emmène son neveu comme protection, ce qui permet de subtilement souligner qu'il est lâche et vil. Maximus lui met le vent de la mort avec une réplique bien sentie, et comme le public prend son parti, Commode ne peut rien faire que de ronger son frein en silence.

   Intermède politique : avec l'aide de Cicéron qui est trop cool, Lucilla entre en contact avec Maximus et le fait entrer dans son complot pour virer le méchant empereur. Maximus continue de gagner les foules, malgré la menace sombre qui pèse sur lui. Mais Commode va apprendre par une indiscrétion ce qui se trame, et il est bien décidé à mettre fin à tout ça pour garder sa métaphorique couronne...

 Eh ouais, c'est moi, le vil empereur, et je ne suis pas commode !

   Point par point :

   Image : c'est bien filmé. Ridley Scott n'étant pas la moitié d'un manche (j'ai déjà utilisé cette expression une bonne demi-douzaine de fois, mais une de plus ne fait pas de mal), il connaît son boulot. Caméra fixe pour de beaux plans, longueur de plans correcte, combats fluides et bien gérés, c'est bon à regarder ! Certains choix de filtres, tout en restant dans le correct (c'est pas Mega Shark vs. Giant Octopus et ses filtres rouge/bleu et jaune/bleu !), amènent un petit côté étrange et onirique à certaines scènes.

   Musique : elle est signée par Hans Zimmer, qui a composé quelques belles BO, comme celles de Sherlock Holmes, Pirates des Caraïbes, True Romance, The Dark Knight, et tout un tas d'autres trop cool. Et autant vous dire, celle de Gladiator, elle déchire. Héroïque quand il faut, grandiose aux moments émotion, elle s'accompagne de parties chantées par Lisa Gerrard, qui sont absolument magnifiques et qui vous arracheront une petite larme (c'était mon cas). Now we are free !

   Interprétation : ouh. C'est du lourd. On a du bon acteur, là-dedans. La tête de liste, c'est bien sûr Russel "Yeux de chien battu" Crowe, qui campe un général de Rome héroïque mais modeste tout ce qu'il y a de plus convaincant. Surtout l'intensité qu'il met à asséner certaines de ses répliques les plus cool. Joaquin Phoenix n'est pas en reste, et il se complait visiblement dans un rôle de vil empereur, sans toutefois en faire des caisses, ce qui rappelons-le reste un exercice de haute voltige. Connie Nielsen est parfaite en noble romaine qui reste digne dans l'adversité malgré son frère sévèrement secoué et se taille même quelques petites répliques savoureuses. Et ce triumvirat est soutenu par des acteurs de taille, principalement Oliver Reed et Richard Harris, qui font preuve d'une excellence à la hauteur de leur réputation. Et les autres aussi sont cool, mais j'ai une panne d'inspiration, alors je vais passer.

 Vous savez, moi, je m'en lave les mains, de cette chronique...

   La petite partie historique :

   Comme il s'agit d'un film historique basé sur des événements ayant peut-être existé, il convient de le jeter en pâture à deux-trois historiens en herbe qui se feront un plaisir de se faire les dents dessus. Une citation sur un site que je ne citerai pas affirme que "les libertés prises avec les décors, les coutumes, les événements, les lieux, les personnages et tout le reste ne peuvent pas être comptées comme des erreurs car ce sont nécéssairement des erreurs volontaires servant l'histoire". Je réponds "oui, mais pas que". Faut pas pousser mémé dans les ordis, quand même ! Et certaines erreurs sont suffisamment hurlantes pour vous munir de boules quiès à ce point de la chronique. En voici quelques-unes (et quelques erreurs fun aussi) :

- Alors que Commode discute du bien-fondé de la république de Rome, le sénateur Falco annonce, et je cite mot pour mot : "mais pourquoi pas ? Rome fut fondée comme une république". Nice try, Sherlock, mais si un sénateur ne connaît pas l'histoire de Romulus et des rois étrusques, on est pas sortis de l'auberge...

- Le bon empereur Marc-Aurèle n'est pas mort assassiné par son fils Commode le Vil, mais il est mort de la peste. Moins dramatique, certes. Mais bon...

- C'est bien joli d'opposer aux belles légions de Rome des vilains barbares, mais pour les Romains, barbare se prenait dans le sens "non romain", pas "sagouin en peaux de bête". On aurait pu avoir des barbares qui avaient un peu moins l'air tirés de la Guerre du Feu, quand même...

 Pour vous détendre un peu, la minute fanservice de l'époque romaine 
vous est offerte par Connie Nielsen.

- Pendant plus de la moitié du film, les gens de Rome s'obstinent à appeler Maximus "l'Espagnol", rapport à son pays d'origine. Encore une fois, nice try, mais l'Espagne n'existait pas, à l'époque. On aurait pu dire "l'Ibère", mais ça sonnait peut-être moins cool.

- L'esclave Cicéron, quand bien même il est cool, porte quand même un nom qui n'en est pas un. Cicéron, le fameux orateur romain, portait certes ce nom, mais c'était son cognomen (son surnom), et il n'y a aucune raison qu'un esclave se retrouve avec un surnom. Parce que c'est un esclave, et que la tria nomina n'était que pour les citoyens romains.

- Durant le combat dans le Colisée, l'un des méchants manipule... une arbalète rotative. Déjà que nous, on en a pas, alors eux...

- Et les petites erreurs fun : lors de la première scène en Germanie, un individu en jean traverse l'arrière-plan. Les gesticulations de Maximus nous révèlent un magnifique short moulant en lycra. Et l'un des chars du Colisée, alors qu'il tombe sur le côté, contient... des bouteilles de gaz.

 Maximus & pals. De droite à gauche : Juba, Maximus, Hagen et un gars avec un casque.

   L'avis de la pro :


   Bon, j'avoue, j'ai bien craché sur ce film, ou du moins vous en avez l'impression, parce que personnellement, je suis en train de me marrer derrière mon écran. Mais faut pas croire. Gladiator, je l'aime bien. Le retour du peplum à grand budget comme on n'en avait plus vu depuis Spartacus (1960, quand même !). C'est grand, c'est rond, c'est bien (Wolverine-style). Bon. Mais c'est pas ça qui va nous remplir une chronique.

   Profitons-en pour un point anecdote : ce film est le dernier d'Oliver Reed, qui est parti au paradis des acteurs pendant le tournage. Ridley Scott a déployé des trésors d'ingéniosité pour le remplacer, faisant porter à sa doublure un masque sur lequel le visage d'Oliver Reed a été projeté ensuite par ordinateur. Personnellement, je n'ai pas encore repéré la différence.

La minute fanservice "Lawrence d'Arabie" vous est offerte par Oliver Reed, parce que c'est pas toujours aux filles de fanservir, hein.

   Que dire sur Gladiator, en fait ? Malgré ses erreurs historiques et les libertés prises, ça reste un bon peplum. Il y a un héros musclé et fort qui sent bon le sable chaud, mon gladiateur, un méchant qui dégouline de décadence comme il se doit avec les méchants Romains, de beaux décors (le Colisée, bien qu'en images de synthèse, reste très impressionnant), une musique qui vous donne des frissons dans le dos, le héros encore qui reste digne, droit et honnête (point important) malgré les épreuves envoyées par les Dieux (qui restent tout de même curieusement absents, contrairement à de plus anciens peplums), des conspirations, des combats, bref, tous les ingrédients qu'il faut. Sans rochers en carton.

   L'un dans l'autre, Gladiator non seulement reste une belle pièce, un bon film autant pour les amateurs de vieux peplums qui verront une reprise rafraîchissante d'un genre qu'on pensait moribond, que pour les amateurs de films d'action avec héros héroïque et méchant fielleux, ou pour ceux qui voudront découvrir le peplum avec quelque chose d'un peu plus accessible que les vieilles VHS de Hercule à New York, Spartacus, ou "Maciste et Thésée ne sont plus amis". Recommendé aussi pour une projection de fin d'année dans une classe de latin. A défaut de faire plaisir à votre professeur qui risquerait une crise cardiaque, vous serez au moins partis pour un bon moment de rigolade (et contrairement à nous, vous éviterez le peplum poussiéreux avec galères).

   La note : 15/20 parce que Rome conçue comme une république, nanmaisoh.

 L'empereur Commode n'approuve pas cette chronique et demande 
à ce que les lions soient lâchés sur ce blog.

Bonus musique ! <3

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